Mise en place des pôles d'appui à la scolarité (PAS)
Nous constatons toujours que les deux piliers de la loi de 2005, l’accessibilité et la compensation peinent à être mis en œuvre à l’école.
Le gouvernement a décidé la mise en place de pôles d'appui à la scolarité (PAS) pour mieux accueillir les élèves « à besoins éducatifs particuliers ». Le 4 juillet 2024 est sorti au journal officiel un cahier des charges pour les quatre départements préfigurateurs des PAS que sont l’Aisne, la Côte-d’Or, l’Eure-et-Loir et le Var.
Dans la circulaire du 3 juillet il est précisé :
« Les pôles d’appui à la scolarité sont un nouveau service rendu aux parents et responsables légaux d’enfants présentant des besoins éducatifs particuliers, en même temps qu’une organisation qui vient en appui des professeurs, au sein-même des classes ou dans des lieux dédiés implantés dans les écoles et établissements. »
Cette nouvelle action ne résoudra pas les problèmes que nous font remonter les familles depuis plusieurs années : refus de nombreuses MDPH de rédiger les projets personnalisés de scolarisation (PPS), refus de mettre en place les adaptations prévues dans le PPS lorsqu’il existe, absence d’AESH et dysfonctionnements des pôles inclusifs d’appui à la scolarité (PIAL).
Au demeurant, nous nous inquiétons déjà que les problèmes spécifiques des enfants en situation de handicap soient noyés dans le concept flou et pas défini de besoins éducatifs particuliers, qui recouvrent beaucoup plus que les besoins des enfants en situation de handicap (problèmes sociaux, élèves allophones, etc..).
Les réponses au problème proposées dans le cahier des charges des PAS sont par ailleurs floues, incohérentes avec les lois en vigueur et dangereuses en termes de libertés publiques.
La place des usagers : construction et évaluation du dispositif, respect du choix des familles dans le fonctionnement des PAS
Les familles n’ont pas été associées à la mise en place du cahier des charges pour cette expérimentation et ne sont pas présentes dans les instances de pilotage au titre des usagers. De même, leur participation n’est pas prévue au sein du comité de suivi de la phase préfiguratrice piloté par le directeur général de l’enseignement scolaire (DGESCO), le directeur général de la cohésion sociale (DGCS) et la directrice de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).
Dans la partie intitulée « accueil des familles » du cahier des charges, on se rend compte que leur place dans le fonctionnement des PAS est à peu près inexistante, voire bafouée :
- Les familles peuvent solliciter le PAS, mais elles ne contribuent pas à l’évaluation des besoins et à la construction des réponses.
- Elles ne sont pas censées refuser.
- Les recours contre les décisions ne sont évoqués nulle part.
- Pire, les PAS peuvent se passer de leur avis en cas d’urgence (concept non défini qui pourra donner lieu à toutes les dérives ou à des informations préoccupantes (IP) – l’Education Nationale est déjà l’origine de 60 % des IP).
On notera que les PAS répartissent les AESH : à aucun moment n’est évoquée la formation inexistante des AESH et leurs rapports à peu près interdits avec les familles.
La formation et la compétence du binôme de coordonnateurs
Ces pôles seront coordonnés par un binôme composé :
- d’un coordonnateur « personnel de l’Éducation nationale déchargé, recruté par le niveau départemental pour son profil et son potentiel, si possible disposant d’expérience et de diplôme en la matière
- et d’un éducateur spécialisé à temps plein »
Le cahier des charges précise que c’est « l’éducateur qui aura vocation à analyser les demandes, à préconiser des solutions ou à intervenir lui-même in situ chaque fois que c’est nécessaire, toujours en lien avec le coordonnateur. »
On reste sans voix devant la définition du personnel de l’Education Nationale, « si possible disposant d’expérience et de diplôme » : l’expérience et le diplôme ne sont pas essentiels, donc. Exit les enseignants spécialisés.
Quant à l’éducateur qui va faire la loi, et éventuellement s’auto-prescrire, sa formation n’est pas précisée, ni son expérience, ni l’obligation de respecter les recommandations de bonnes pratiques. La formation initiale des éducateurs, qui sont des travailleurs sociaux, est inexistante dans le champ du handicap et notoirement inspirée par la psychanalyse, système de croyances obscurantistes qui sert à rendre les familles et surtout les mères coupables des troubles de leurs enfants. Ils pourront aisément contacter leurs collègues de l’ASE. Aucun garde-fou n’est prévu à la toute-puissance de l’éducateur, choisi par un établissement ou service médico-social (ESMS) sans aucun critère transparent connu des familles, ESMS lui-même choisi par l’ARS sans aucune notification MDPH qui permettrait au moins à la famille de refuser le droit proposé. On n’est plus dans l’ouverture de droits, mais dans l’imposition autoritaire et sans recours pour la famille d’interventions dont la qualité ne sera garantie par personne.
Et si l’enfant est accompagné par un ESMS autre que celui imposé par l’ARS ?
Les ESMS ont des agréments administratifs, comment l’ARS pourrait-elle en choisir un qui recouvre toutes les situations de handicap ? Que deviendront les spécificités des enfants ?
La proposition d’aménagements pédagogiques
Une des missions principales du coordonnateur du PAS est « l’expertise du besoin en matière pédagogique et éducative, en lien avec les cadres de terrain concernés, IEN et chefs d’établissements ». Les propositions d’adaptations pédagogiques ne se construiront pas directement en lien avec les enseignants, les familles et les accompagnateurs paramédicaux, comme c’est le cas dans les PPS. Le cahier des charges indique :
« Cette proposition se fera sous deux formes :
- une proposition directe auprès de l’école ou de l’établissement dans l’application LPI ;
- la formulation de la même proposition, pour information, à la famille. »
Cette démarche indirecte et descendante ne participe pas de la « coopération » indispensable, pourtant prônée dans la circulaire, pour que les enseignants s’approprient et mettent en œuvre les adaptations nécessaires. On se rend compte aujourd’hui que ce qui fonctionne, c’est par exemple, quand l’ergothérapeute ou le psychologue ou l’éducateur libéral qui connaissent l’enfant, viennent dans la classe et coconstruisent avec l’enseignant les adaptations pédagogiques.
L’absence des professionnels libéraux
Plus généralement c’est la négation du travail des professionnels libéraux et le refus de leur place à l’école, alors même que beaucoup accompagnent des enfants en situation de handicap, au profit de l’imposition, sans respect du choix des parents, d’un professionnel du médico-social à la compétence affirmée sans preuves.
Le cahier des charges est tout à fait incohérent :
« Côté sanitaire, paramédical et pour des spécialités particulières liées au handicap d’un élève, le coordonnateur du PAS peut aussi s’appuyer, dans le respect des spécificités professionnelles :
Sur des professionnels exerçant en libéral (orthophoniste, psychomotricien, ergothérapeute, infir-mier, éducateurs…) »
Mais ces professionnels ne pourront pas intervenir en classe et il n’y a aucune garantie que ces professionnels seront ceux qui connaissent déjà l’élève, ou alors, il fallait écrire qu’à la demande des familles, le PAS privilégie les professionnels libéraux choisis par la famille.
Dans un Pôle de compétences et de prestations externalisées (PCPE), on peut ; à l’école c’est interdit.
La mise à disposition d’un matériel pédagogique adapté aux besoins de l’élève
Sur ce point, la circulaire se contente d’indiquer que cela fait partie des réponses pédagogiques mais n’apporte aucune précision sur la liste des matériels, les modalités d’attribution ni le financement de l’attribution de ces matériels.
Qu’en sera-t-il des outils de CAA ?
Danièle Langloys